peur d'enfant
C’est en juillet 1969, au siècle dernier ma chérie, elle est en vacances chez ses grands-parents, à la campagne. Elle a ton âge, moins d’années que de doigts. Elle vient d’entendre aux informations du soir qu’un homme, un représentant de la race humaine, vient de poser le pied sur la lune. Elle s’assoit sur le perron et, le nez en l’air, se mouche dans les étoiles (ça ce n’est pas elle non plus qui l’a inventé, c’est un chanteur du siècle dernier chérie, un grand belge beuglant des textes délicats). Son grand-père s’assoit à côté d’elle, lui passe un bras autour des épaules et lui dit : « Tu te rends compte, chérie, que là haut, si loin, il y a des hommes ». Et là, elle a fondu en larmes, une crise inextinguible, des sanglots comme venus d’une marée sans fin au fond de sa poitrine où sautillait son petit cœur d’enfant. Je crois que c’est ce jour là qu’elle a pris conscience qu’elle ne comprendrait jamais la notion d’infini. Et aujourd’hui encore, parfois le soir son vieux cœur de mamie fait des soubresauts dans sa vieille poitrine à cette idée car elle n’a toujours pas compris. Mais quand elle te serre contre elle et enfouit son nez dans ton petit cou qui sent le bébé, elle commence à croire à l’infini de la vie, elle le veut !
Texte écrit pour un atelier d'écriture Télérama
Peinture par Lorette Beaulieu Daoust