notre besoin de consolation est impossible à rassasier
Samedi 5 janvier à 10h53, très exactement au point de coordonnées
4*°31'54,53" N 0*°39'33,77" W (ben oui j'ai mis des *, tu crois quoi ? que j'allais te donner mon adresse aussi, pour que tu viennes squatter tous les soirs à l'heure de l'apéro ?), j'étais dans la voiture en train d'attendre monsieur de K qui était parti acheter des piquets en bois (tu vois, je te dévoile quand même quelques pans de ma vie intime) et j'écoutais la radio, France Inter, et j'entends un gars lire un texte qui m'aurait assise si je ne l'étais pas déjà. Et ce qui m'a encore plus étonnée, c'est d'apprendre que le monsieur en question était Christian Olivier, chanteur des Têtes Raides. Et de me dire qu'un rockeur anarchiste ça pense, et que ça peut même avoir besoin de consolation, ben je sais pas, ça m'a comme rassurée.
Ce texte je t'en donne un morceau à lire :
Je suis dépourvu de foi et ne puis donc être heureux, car un homme qui risque de craindre que sa vie soit une errance absurde vers une mort certaine ne peut être heureux. Je n’ai reçu en héritage ni dieu, ni point fixe sur la terre d’où je puisse attirer l’attention d’un dieu : on ne m’a pas non plus légué la fureur bien déguisée du sceptique, les ruses de Sioux du rationaliste ou la candeur ardente de l’athée. Je n’ose donc jeter la pierre ni à celle qui croit en des choses qui ne m’inspirent que le doute, ni à celui qui cultive son doute comme si celui-ci n’était pas, lui aussi, entouré de ténèbres. Cette pierre m’atteindrait moi-même car je suis bien certain d’une chose : le besoin de consolation que connaît l’être humain est impossible à rassasier.
En ce qui me concerne, je traque la consolation comme le chasseur traque le gibier. Partout où je crois l’apercevoir dans la forêt, je tire. Souvent je n’atteins que le vide mais, une fois de temps en temps, une proie tombe à mes pieds. Et, comme je sais que la consolation ne dure que le temps d’un souffle de vent dans la cime d’un arbre, je me dépêche de m’emparer de ma victime. (...)
Stig DAGERMAN (1923-1954)
Tableau "consolation" par Lora Shelley