la calligraphe
Un extrait d'un texte parlant d'une moniale scribe au IXe siècle :
L’écriture apporte un double plaisir. Au plaisir intellectuel de produire des choses belles pour l’esprit, s’ajoute le plaisir sensuel de produire des choses belles pour l’œil. Lorsque je considère les lignes d’écriture pour leur beauté plastique, je trouve les pages aussi belles que des traces d’oiseaux dans la neige, la marque des marées sur la plage ou des colonnes de fourmis dans le sable. Lorsque, lors des pauses, je décontracte mon dos et ma nuque, lorsque je masse mes mains crispées par l’application, je laisse mon œil errer sur ce que je viens d’écrire et me laisse emporter par le rythme de mes tracés, comme par de la musique.
Cette satisfaction esthétique compense presque la frustration de ne pas achever l’œuvre. En effet, les précieuses enluminures, illustrations ou lettrines destinées à orner les pages, ne sont pas réalisées dans nos ateliers. Nos manuscrits sont envoyés dans un autre couvent où des moines spécialisés, élite dans l’élite, sont considérés comme seuls assez habiles pour assumer cette noble tâche.
La reliure est l’œuvre d’encore un autre couvent possédant des artisans spécialisés dans le travail du cuir et la dorure.
Un livre est donc une œuvre collective et précieuse. Et je soupçonne certains nobles qui acquièrent des livres d’en rester à la fonction esthétique. Les belles dames qui ornent leur salle de réception d’un livre ouvert sur un lutrin ne savent pas toutes lire, loin s’en faut. Ce qui me rend d’autant plus fière moi, Blanche, fille d’alleutier, de savoir lire et écrire !