madame de K prend un coup de vieux
Dans la série "je me spécialise dans les écrivaines rebelles du début du XXe siècle" :
Extrait de Psychologie, une nouvelle de Katherine Mansfield (1888 Wellington New Zealand - 1923 Avon France) :
Car la qualité la plus émouvante de leur amitié résidait dans un complet abandon. Semblables à deux cités ouvertes au milieu de quelque vaste plaine, leurs deux âmes restaient accessibles l'une à l'autre. Et ce n'était pas comme s'il avait pénétré la sienne en conquérant, armé jusqu'aux dents, et ne voyant rien qu'un gai flottement de soie, ou comme si elle était entrée en lui, en reine qui marche délicatement sur une jonchée de pétales. Non, ils étaient des voyageurs avides, sérieux, absorbés par l'examen des choses visibles et la découverte de celles qui ne le sont pas, tirant le meilleur parti de cette chance extraordinaire, absolue, qui leur permettait, à lui d'être complètement véridique vis-à-vis d'elle, à elle d'être tout à fait sincère avec lui.
Et le plus beau de la chose venait de ce qu'ils étaient l'un et l'autre assez âgés pour goûter en plein leur aventure, sans y ajouter de stupides complications sentimentales. La passion eût tout compromis, ils s'en rendaient bien compte. Mais tout cela était fini, passé pour tous deux, il avait trente et un an et elle trente (...)
tableau : Katherine Mansfiled par Anne Estelle Rice
Bon, à part ce racisme anti-vieux, ce livre est très plaisant, très fin, délicieusement suranné comme une lettre écrite à la plume et fleurant la violette.
Par contre j'ai une vive critique à émettre, sur la forme et pas sur le fond (monsieur l'éditeur si vous m'entendez ?...) (monsieur ou madame "la cosmopolite Stock") : ce livre fait 940 pages, les feuilles sont très fines (forcément !), la couverture est souple, et donc ce pavé mouvant et ramolli est parfaitement impossible à lire au lit !