Bon anniversaire Simone !
Le 9 janvier était le centième anniversaire de la
naissance de Simone de Beauvoir. Elle a fait la couverture du Nouvel Obs (à en croire monsieur de K d'une très jolie façon !...) et j'ai lu cet article très intéressant. Je voulais lui rendre hommage en publiant une lettre d'amour, et j'en ai trouvé une sur un site que j'ai déjà pillé pour ma rubrique c'est du poulet.
Lettre de Violette Leduc à Simone de Beauvoir - automne 1950
Chère Simone de Beauvoir,
Comme vous étiez belle, comme vous êtes belle lorsque vous apparaissez avec votre manteau noir, votre manteau de fourrure et lorsque vous apparaissez sur la banquette des restaurants avec votre tailleur, votre jersey blanc, votre velours rouge, vos bijoux. Comme vous êtes mince, élégante, altière. Quelle affirmation lorsque vous entrez dans le café. Comme votre arrivée hier a été amicale. Je m’interdisais de vous écrire que je vous aime depuis que je suis revenue de Montjean. Aujourd’hui je ne peux pas me taire. (...) Écrire est devenu mon métier grâce à vous. Il faut que j’exerce ce métier avec honnêteté, fermeté, conviction. Pendant que j’écrirai des livres mon sentiment pour vous, mon amour ne sera pas stérile. (...) J’ai un lecteur pour chaque livre qui vaut dix mille, cent mille lecteurs, c’est vous. Je ne veux plus de ce mauvais déclic, toujours le même vers minuit, que j’ai eu au « Harry’s Bar ». C’est de la mauvaise féminité, de l’infantilisme, une contorsion, une grimace comme vous dites. Je sais depuis la nuit dernière que cette petite crise est un refoulement sexuel, mon découragement littéraire, un prétexte. Ne parvenant plus à me dominer en vous voyant, en vous désirant, je me veux triste pour me sauver, pour attirer votre attention. Je lutterai de toutes mes forces au « Harry’s Bar ». Apprendre à renoncer, à mériter votre amitié, les soirées que vous me donnez. (...) Je vous aime, j’ai donc peur souvent de vous perdre ou bien de perdre un peu ce que j’ai de vous. Enfin je n’ai que vous sur tous les plans. Vous êtes ma famille, mon travail, mon indépendance. C’est pour vous que je tends vers certaines perfections mais je flanche aussi. Quand je ne vous dis pas franchement mes bassesses, j’ai peur, je vous crains. Mais je ne vous cache rien chère Simone de Beauvoir. (...)
J’ai oublié de vous dire que j’avais vu Les lumières de la ville. Je l’ai vu avec Jacques Guérin. Et j’ai vu L’Intrus avec Lucienne dont je vous ai parlé. Je vous donne ces détails par besoin de pureté. Vous ne m’aimez pas comme je vous aime. Quel privilège. Je vous aimerai toujours et ce sera toujours beau.
Photographies : Henri Cartier Bresson 1947 et Robert Doisneau 1944