Douce, comme ton haleine près de mon épaule
Erich Maria Remarque, à Marlene Dietrich 25 novembre 1937, Porto Ronco
C’est la nuit et j’attends que tu appelles de New York. Les chiens dorment autour de moi, et le gramophone passe - des disques que j’ai trouvés,- easy to love, I got you under my skin awake from a dream.
Ma tendre ! Ma douce bien-aimée ! une petite branche des mimosas qui poussent autour de ma maison est en fleur depuis quelques jours. Le matin, dorée, elle pend du mur blanc dans le soleil. Douce, comme ton haleine près de mon épaule, dans ton sommeil. Ma plus douce - parfois la nuit, je tends le bras et veux attirer ta tête plus près de moi - Mais chez toi il fait jour, les lumières dans les rues ne se mettent à briller que peu à peu, tu te tiens dans ta chambre, quelqu’un va sortir dîner avec toi, aller au théâtre, et sur le lit sont posées les robes du soir et tu ne sais pas si tu dois mettre la blanche avec le corsage doré de Schiaparelli ou la noir et or de chez Alix. ( ?) petit gars de la patinoire ! Gagneur d’argent ! Est-ce que tu es habillée chaudement en dessous ? Quelqu’un prend-il soin de toi ? Tout à l’heure, nous irons dans la plus grande pâtisserie et tu auras du chocolat chaud avec de la chantilly et une gigantesque assiette de gâteaux aux pommes. Celui avec les bandes croisées sur le dessus. Et une tête de nègre. Le tout avec autant de chantilly que tu voudras.
Mais à quoi cela sert-il de se tromper soi-même avec des souvenirs tendres, je t’aime ma douce, et tu me manques horriblement, je m’efforce de ne pas y penser, à l’obscurité, à cet instant où je venais chez toi et la lumière était déjà éteinte, et tu sortais de l’obscurité et volais dans mes bras et la chambre et la nuit et le monde tombaient en morceaux et tes lèvres étaient la chose la plus douce du monde et tes genoux venaient et tes épaules et ta voix tendre- reviens, reviens- Ma bien-aimée tremblante que j’aime infiniment.
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