la petite bulle de silence
L’autre nuit j’ai rêvé que je racontais une histoire à une classe d'enfants agités, et quand je me suis réveillée, l’histoire était déjà toute écrite dans ma tête (voilà qui va plaire à La Féline). A mi-chemin entre conte, poésie, divagation et rien du tout, voici l’objet, je le livre à votre bon vouloir. Et si un éditeur de livres pour la jeunesse passe par ici, qu'il mette un commentaire (et c'est quand tu veux, où tu veux).
Edit du 5 juin 2007 : spéciale dédicace à madame Musique.
Une petite bulle de silence s’ennuyait, s’ennuyait !
C’était une jolie petite bulle de silence, ronde, douce, aux reflets irisés de bleu et de
gris.
Elle était née au centre de la terre, où le seul bruit qu’on entend est celui des bulles de gaz brûlant éclatant mollement à la surface du magma en fusion « blop » « blurp ».
Comme elle s’ennuyait à mourir au centre de la terre, où il ne se passait rien, elle décida de trouver un endroit plus intéressant, et sortit dans le vaste monde par le cratère d’un volcan. L’expulsion fut violente, accompagnée de jets de cendres et de tremblements de terre. La petite bulle de silence était toute secouée.
Elle s’installa d’abord dans la chambre d’un bébé qui dormait. Dans la pénombre des rideaux tirés, elle se vautra dans un silence rond, moelleux, où l’on n’entendait que le souffle léger du bébé, petit vent souriant qui sifflait à peine en se faufilant entre les lèvres. C’était bien plus doux qu’au centre de la terre. Mais la petite bulle de silence s’ennuyait, s’ennuyait.
Elle s’éclipsa par la fenêtre entr’ouverte et, se laissant porter au fil des courants d’airs, se retrouva au dessus de l’autoroute. Des voitures, des camions se croisaient dans tous les sens : zooOM>> ZOoom<< . La petite bulle de silence était toute décoiffée. A coup sûr ici on ne s’ennuie pas, mais les gaz d’échappement piquent les yeux.
Elle grimpa le talus qui bordait l’autoroute, passa par-dessus le mur anti-bruit, et se retrouva dans une banlieue calme, bien trop calme ! Cherchant un endroit où l’on ne s’ennuie pas, elle entendit des rires d’enfants et s’en rapprocha. C’était une cour de récréation, je crois même que c’était la cour de récréation de ton école ! Cris stridents, rires, saut, galopades, conciliabules, disputes. Mais ! Ces deux là se bagarrent ! Et s’échangent des coups de pieds et des gros mots ! La petite bulle de silence est toute cabossée.
Désespérant de trouver un endroit où l’on ne s’ennuie pas mais on l’on ne soit pas trop malmené, elle remonta un escalier, longea un couloir silencieux, bordé de portemanteaux et décoré de dessins. Elle entra dans la classe de madame Maîtresse. Il y règnait un silence studieux, meublé de sons discrets : crayon qui tombe, page tournée, chuchotis chuchotés. Soudain la voix claire de madame Maîtresse coupa une grande tranche de silence et tous les cahiers se refermèrent. Et d’innombrables minces tranches de silence entrecoupées de bruits ronds et multicolores emplirent la classe du sol au plafond.
La petite bulle de silence frétille et danse. Les enfants chantent. La petite bulle de silence aime cela ! Et décide de s’installer ici pour toujours.